mardi 9 août 2011

La fin du monde aura-t-elle lieu le 21 décembre 2012 ?


De nombreuses émissions de télévision sont où ont été diffusées sur ce thème. Dont une sur Syfy, qui a fait réagir Michel Vignand, de l’Observatoire astronomique de la Réunion. “Il y a eu des interventions de scientifiques mais elles furent tronquées, puis utilisées à des fins non astronomiques. Voici quatre exemples”, nous écrit-il. L’occasion de faire le point. 

1- Rotation de l’axe de la Terre

La Terre tourne sur elle-même comme une toupie : son axe de rotation, comme celui d’une toupie, tourne sur lui-même, mais plus lentement. Ce mouvement n’est pas perceptible à l’échelle humaine : un tour dure près de 26 000 ans. Il porte le nom de « précession des équinoxes ».

Les tenants de la fin du monde enchaînent en annonçant, qu’à cause de ce mouvement, la Terre, le Soleil et le « centre de la Voie Lactée » seront alignés le 21 décembre 2012, pour la première fois depuis 26 000 ans : c’est la prédiction des Mayas disent-ils.

Encore faudrait-il que les Mayas connaissent le centre de la Voie Lactée et, au moins, sachent ce qu’est la Voie Lactée. Cela est impossible car compris depuis seulement une centaine d’années. Les Grecs (puis les Romains) y voyaient le lait qu’avait laissé échapper Héraclès (= Hercule) du sein d’Héra (= Junon). Les Chinois y voyaient un fleuve. C’est au début du 20e siècle que la Voie Lactée fut comprise comme une galaxie et son centre progressivement précisé grâce à la radioastronomie et aux mesures de distances et vitesses des étoiles lointaines. Ce centre est appelé dans une autre séquence du film « trou noir central de la Galaxie ». Les Mayas avaient encore moins connaissance de cela : la notion apparaît il y a environ 50 ans et la découverte d’un trou noir (4 millions de masses solaires) au centre de notre Galaxie a moins de 9 ans. Un peu plus loin, ce centre devient « bande de poussières interstellaires situées au centre de la Voie Lactée ». Si vous regardez le ciel quand il est bien noir, vous voyez beaucoup de zones sombres dans la Voie Lactée. S’ils avaient pensé à cette notion, les astronomes mayas auraient choisi une zone bien repérable (le sac à charbon, par exemple) et non une zone située en bordure. Mais il y a plus grave. Le Soleil ne passera jamais devant le centre galactique du fait de la précession des équinoxes pour une raison simple : le centre galactique n’est pas sur l’écliptique. Ces soi-disant savants ont confondu (volontairement ou non) l’écliptique avec le plan équatorial. C’est ce dernier qui bouge en même temps que l’axe du monde (l’un étant perpendiculaire à l’autre par définition). Ce sont aussi les points équinoxiaux (intersections de l’équateur et de l’écliptique) qui font un tour d’écliptique en 26000 ans, entraînant avec eux les constellations zodiacales. Sur la photo jointe prise lors de l’éclipse de lune du 16 juin dernier, j’ai positionné l’écliptique, le centre galactique et le Soleil à la date du solstice de décembre 2012. Le Soleil est à 6° du centre galactique. Il faudra attendre l’an 2200 pour avoir la distance minimale. A noter qu’au début du « lancement » de cette nouvelle « fin du monde », on nous parlait d’alignements planétaires. Comme il était facile de démontrer et montrer que cela est faux, il fallait trouver autre chose…

2- Cycle du Soleil

Devant une belle photo du Soleil prise par Soho, un météorologue de la NASA parle de l’augmentation du nombre de taches solaires caractéristiques de l’activité de notre étoile. Mais on ne lui laisse pas le temps de dire que c’est une activité cyclique se déroulant en moyenne tous les 11 ans avec maxima et minima. On enchaîne, au contraire sur des explosions dont la violence pourrait faire disparaître le champ magnétique terrestre et basculer l’axe de la Terre (d’où tous les cataclysmes imaginables et présentés plusieurs fois).

Il y a effectivement, de temps en temps, des tempêtes solaires, dites de classe X, qui sont tournées vers la Terre et peuvent perturber les grandes ondes radio (pendant la Guerre froide entre USA et URSS, le contact entre les Russes et l’un de leurs sous-marins fut rompu : imaginez la suite…). Il peut y avoir danger pour les cosmonautes de la Station Spatiale et pour certains satellites artificiels tournant autour de nous. A la limite, il peut y avoir quelques coupures momentanées de courant. Mais pas plus. Par contre, l’essentiel des particules venant du Soleil sont déviées vers les pôles par notre bouclier magnétique et sont à l’origine de belles aurores polaires.

La probabilité qu’il y ait une énorme tempête solaire le 21 décembre 2012 est immensément plus faible que celle que vous avez de gagner le gros lot au Loto (ce n’est pas peu dire).

3- Le cadran solaire gnomon

Un « chercheur de date » a présenté à Izapa une grosse pierre posée sur un socle comme étant un gnomon, cadran solaire rudimentaire. Il nous dit que l’ombre de l’ensemble diminue dans la matinée et disparaît sous la pierre à midi solaire indiquant donc que le Soleil est au zénith. Aurait-il confondu zénith et méridien ? A midi solaire, l’ombre du gnomon est sur le méridien. Elle ne peut s’annuler que si le Soleil peut passer à la verticale du lieu d’observation, donc si l’on se trouve entre les deux tropiques, à deux dates dépendant de la latitude (exemple : 26 novembre et 16 janvier à Saint-Denis de La Réunion). A noter que si la pierre qui nous a été présentée est vraiment un gnomon maya, il faut s’étonner de son manque de précision. Les obélisques bien plus anciens des Egyptiens étaient nettement mieux.

Ce chercheur ne nous a pas dit qu’Izapa était en zone intertropicale à 14°55’de latitude Nord. Le Soleil y passe au zénith le 29 avril et le 11 août. Or le 11 août 3144 av JC est -selon Sir Eric Thompson, vers 1950- le point de départ de leur calendrier long, celui qui se termine, selon la même personne, le 21 décembre 2012. Ce monsieur donne également le 14 /08 comme point de départ possible. Quant à la fin du cycle, d’autres chercheurs plus récents, s’appuyant sur des dates d’éclipses, de phases de la Lune et de positions de Vénus indiquées par les mayas, repoussent la fin du cycle au 13 janvier 2027 : une date à retenir par ceux qui voudront annoncer la date suivante de fin du monde… Pendant longtemps, les archéologues se sont moins intéressés à la civilisation maya qu’à la Mésopotamie, l’Egypte ou la Grèce : plus récente (apogée entre 350 et 800 de notre ère), longtemps enfouie sous la végétation tropicale, écriture non déchiffrée. Cette étude commence vraiment au siècle dernier et les dates données ci-dessus doivent encore être précisées (d’où les écarts). A noter enfin que les codex mayas ne disent pas que la fin du « compte long » actuel est la fin du monde. C’est contraire à leur conception cyclique du temps : un jour suit un autre jour, une année suit une autre année, « un compte long » en suit un autre. Les fins de période étaient des événements importants marqués par des constructions de stèles, des rituels associés à des sacrifices d’animaux et d’humains, …

4- Déplacements des pôles magnétiques

Argumentaire : les pôles magnétiques bougent et se rapprochent des pôles géographiques. C’est globalement vrai : ces pôles bougent constamment. Ils ne sont cependant pas prêts d’arriver aux pôles géographiques, encore moins de faire basculer l’axe de rotation de la Terre de 90° quand ils y arriveront : pure invention. Et les Martiens ?

Une énormité a été dite à propos de la planète Mars : cette planète « nous montre ce qui reste d’une civilisation dévastée il y a 250 000 ans ». Apparaît alors à l’écran un visage de pierre photographié sur le sol martien par la sonde Viking en 1976. Des photos prises ensuite avec un meilleur pouvoir séparateur ont montré que ce n’était qu’une apparence liée au manque de résolution et aux ombres portées. C’est la même histoire que celle qui a présidé à l’invention des Martiens à la fin du 19e siècle. Avec leurs lunettes astronomiques, des astronomes (l’italien Schiaparelli, l’américain Percival Lowell) ont cru voir des « canaux » rectilignes sur Mars, dont certains dédoublés, œuvres donc d’êtres intelligents : les Martiens. Il a fallu attendre la mise en service de la grande lunette de Meudon pour voir que ces canaux n’étaient qu’une apparence liée au pouvoir séparateur des lunettes utilisées par leurs « découvreurs ».

Mais ce n’est pas tout : « nous sommes leurs descendants » affirme le même intervenant en finissant de se discréditer (et l’émission avec lui). Il devrait aller lire tout ce que découvrent les astronomes grâce aux robots et aux sondes. La vie a pu exister sur Mars, sous une forme très rudimentaire (bactéries), il y a 4 milliards d’années. Elle n’a pas pu se développer et a disparu rapidement de la surface car Mars est trop petite pour retenir son atmosphère et son eau à l’état liquide. On espère cependant que les prochains robots pourront trouver des traces de cette vie primitive dans le sous-sol martien.

Alors pourquoi une telle émission qui sème le doute là où il n’y en a pas, qui peut faire croire qu’elle est scientifique alors qu’elle ne l’est pas ? Pourquoi tromper les téléspectateurs et insister sur le négatif plutôt que le positif ? N’y a-t-il pas de quoi faire appel au rêve et à l’imagination des gens à partir des découvertes et des photos que nous révèlent presque tous les jours ceux qui étudient l’infiniment grand ou l’infiniment petit (par exemple) ?

Pourquoi pas une bonne émission sur la civilisation maya, son évolution, sa numération, ses connaissances astronomiques. Elles montrent simplement que tout groupe social qui observe attentivement le ciel, note ce qu’il voit, l’analyse et le transmet aux générations suivantes pendant des siècles, arrive à des résultats analogues sur le plan scientifique (espace et temps). L’utilisation qui en est faite dépend ensuite de sa vision du monde et de son organisation sociale.

Michel Vignand

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