GENEVE (Reuters) - Les scientifiques du Cern ont annoncé mardi avoir identifié des signaux qui pourraient dénoter l'existence du "boson de Higgs", surnommée la "particule de Dieu".
Cette particule élémentaire, dont certains physiciens présument l'existence depuis les années 1960, fait l'objet d'une traque depuis vingt mois dans le "Grand collisionneur de hadrons" (LHC) du Cern, accélérateur de particules enfoui aux portes de Genève sous la frontière franco-suisse.
Le boson de Higgs serait apparu juste après le Big Bang il y a 13,7 milliards d'années et aurait permis aux éléments de l'univers de s'agréger et de former galaxies, étoiles puis planètes.
Cette particule donnant leur masse à toutes les autres particules élémentaires serait ainsi la pièce maîtresse du modèle standard, théorie qui décrit les interactions entre objets quantiques.
Deux expériences, Atlas et CMS, sont menées parallèlement au Cern, l'Organisation européenne pour la recherche nucléaire, pour tenter de déterminer si le boson de Higgs est ou non un mythe.
D'AUTRES EXPÉRIENCES REQUISES
Un signal a été repéré aux alentours de 126 GeV (giga-électron-volts), ce qui serait compatible avec la force prêtée à un possible boson de Higgs, a expliqué Fabiola Gianotti, chargée de l'expérience Atlas.
"Il est trop tôt" pour tirer des conclusions définitives, a-t-elle cependant tempéré. "D'autres expériences, d'autres données sont encore nécessaires. Les mois qui viennent vont être très excitants. J'ignore quelles seront les conclusions".
Les deux expériences, dont les directeurs ont dévoilé leurs conclusions lors d'un séminaire devant de très nombreux participants, mettent en avant des signaux pouvant sous-entendre la présence de la "particule de Dieu".
"Les deux expériences ont enregistré des signaux qui vont pour l'essentiel dans le même sens", a dit Oliver Buchmüller, physicien de CMS. "Il semble qu'Atlas et nous-mêmes avons établi que les signaux sont au même niveau de masse. C'est manifestement très important."
"Si les premiers indices de présence du boson de Higgs sont confirmés, ce sera tout simplement le commencement de l'aventure pour décrypter les secrets des briques fondamentales de l'univers", a déclaré Stephen Haywood, chef du groupe Atlas au laboratoire STFC Rutherford Appleton.
PAS D'EXPLICATION SPIRITUELLE AU COSMOS
"Nous nous rapprochons du boson de Higgs", a estimé pour sa part Claire Shepherd-Themistocleus, directrice du groupe CMS au laboratoire STFC Rutherford Appleton.
"Nous disposons aujourd'hui d'indices sur ce que pourrait être sa masse, et l'excitation des scientifiques est perceptible", a-t-elle dit. "Que nous puissions finalement confirmer son existence ou que nous devions exclure totalement l'existence d'un boson de Higgs de faible masse, nous sommes à l'aube d'un grand changement dans notre compréhension de la nature fondamentale de la matière", a-t-elle ajouté.
"Mais il nous faudra vraiment d'autres données, dès l'année prochaine, pour être certain de ce que nous avons observé."
Jusqu'à présent, cependant, nul n'a pu prouver l'existence du boson de Higgs. Plusieurs physiciens, dont Robert Brout et François Englert, puis séparément le Britannique Peter Higgs, ont postulé son existence au milieu des années 1960.
Les efforts menés depuis le milieu des années 1980 pour découvrir la particule mystérieuse, que ce soit dans le collisionneur américain Tevatron ou dans le prédécesseur du LHC au Cern, le LEP, en fracassant des protons et en provoquant de mini-Big Bangs, ont été vains.
Aujourd'hui âgé de 82 ans, Peter Higgs, candidat au Nobel de physique, rejette toute explication religieuse des origines de la vie et du cosmos.
"D'après moi, il est là parce qu'il est là", a-t-il dit naguère à des journalistes lors d'une visite à Genève, où, dans les années 1960, il avait travaillé pour le Cern.
"Si tant est que l'on puisse prouver scientifiquement qu'il existe bel et bien", ajoutait-il malicieusement.
Robert Evans | Reuters
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