mercredi 22 juin 2011

L’Amérique en cessation de paiement !

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Lundi 16 mai la dette publique américaine a crevé le plafond des 14 294 milliards de dollars. Cela signifie qu’à ce niveau les États-Unis ne sont plus, selon leurs propres règles en mesure d’emprunter. Autrement dit, les États-Unis sont au bord de la faillite. Le gouvernement américain s’est cependant accordé jusqu’au 2 août pour négocier avec le Congrès le relèvement du plafond de la dette. Plan qui ne saurait être accepté par les Républicains qu’à la condition expresse d’être assorti d’une réduction drastique de la dépense publique.

Cela devrait se traduire par une suspension de traitement de 800 000 civil servants, certains services non vitaux de l’Administration fermés, tels les parcs nationaux. La solde d’une partie des armées (2,3 millions de personnes concernées) pourrait aussi se voir différée, comme l’a laissé entendre le Secrétaire à la Défense, Robert Gates, à l’occasion d’un passage sur la base Camp Liberty à proximité de Bagdad !

Trois ans après la liquidation de Lehman Brothers, point de départ du krach mondial de septembre 2008, l’adage « too big to fail » risque donc de ne plus s’appliquer seulement aux établissement financiers véreux mais à l’État fédéral lui-même dont l’éventuel défaut de paiement entrainerait ipso facto une crise de confiance à échelle planétaire. Le système financier mondial ne repose-t-il pas sur le principe de solvabilité absolue de Big Sister Amerika ?

Ce n’est évidemment pas un hasard si l’agence de notation Moody’s vient, ce jeudi 3 mai, d’avertir le Congrès américain qu’elle envisageait l’abaissement de la note des É-U si un accord permettant le relèvement du plafond de la dette publique n’était pas rapidement trouvé. Depuis trois années consécutives le déficit budgétaire américain se situe en effet entre 9 et 11% du Pib, le Produit intérieur brut. Or pour toute réponse le président Barak Obama a donné à l’Administration fédérale l’objectif mollement volontariste d’une réduction de 4000 milliards de dollars du déficit budgétaire au cours des douze prochaines années… des intentions vagues relevant à l’évidence du cautère sur une jambe de bois et davantage de l’effet d’annonce dans le cadre d’une campagne de com. pré-électorale que d’une volonté manifeste.

Car que faire maintenant hormis sabrer les budgets de dépenses sociales et de santé ? À savoir, démonter ce qui avait été laborieusement acquis : la réforme de l’Assurance santé réputée comme la seule grande réussite du quadriennat de M. Obama (à l’exception bien sûr de la liquidation spectaculaire du monstre Ben Laden). Cela reviendrait alors à accepter peu ou prou le plan d’austérité républicain, lequel prévoit une baisse de 5800 milliards de dollars des dépenses publiques sur dix ans (six fois cependant les économies prévues par le projet Obama)… une rigueur budgétaire axée sur une révision déchirante des programmes Medicaid et Medicare, les deux volets de la réforme de l’assurance maladie si péniblement adoptée en 2010.

Pour Obama cela équivaudrait bien entendu à suicide politique. Un cas de figure qui aiderait à trancher la question de savoir si l’actuel président Démocrate est autre chose qu’un fantoche (une fabrication destinée à donner le change et conduire), utile entre autres, à conduire des actions extérieures déstabilisatrices de l’équilibre international au bénéfice premier d’une gamme étendue de groupes de pressions et d’intérêts privés (pétroliers, armements, Aipac, etc.) ? Et cela mieux encore que son prédécesseur Républicain, George Walker Bush ! Ou s’il est malgré tout un tant soi peu au service de la Nation américaine en dépit d’une marge de manœuvre filigranique ?

Aujourd’hui la Maison-Blanche se trouve donc prise dans l’étau d’une double contrainte : d’un côté réduire les dépenses publiques dans le cadre d’un plan de rigueur draconien afin d’obtenir l’accord du Congrès en faveur d’un relèvement du plafond de la Dette et s’aliéner l’électorat populaire ; de l’autre, ménager son électorat et prendre le risque de voir les É-U perdre leur label de solvabilité AAA, avec pour conséquence le risque d’une nouvelle crise systémique d’une ampleur inégalée. Un choix cornélien !

Car qu’adviendrait-il si les États-Unis se trouvaient en cessation de paiement à l’instar de la Grèce, de l’Irlande, ou du Portugal… ou du Royaume-Uni dont nul ne parle mais dont le délabrement économique est particulièrement avancé ? Personne n’ose (ou ne veut) croire qu’un tel cataclysme puisse survenir, et pourtant ! Certes, l’Ami américain n’est pas en peine de manipulations comptables, habile contrefacteur, il est aussi passé maître dans l’art d’émettre de la pure monnaie de « papier »… Il n’en demeure pas moins que le gouffre s’ouvre bel et bien devant lui : la crise du bâtiment est repartie de plus belle… celle qui a été à l’origine de la crise systémique de sept. 2008 ; les prix de l’immobilier sont en train de crever à nouveau les « planchers » atteints en 2009, plongeant des dizaines de millions d’Américains dans des situations sociales et financières dramatiques 1. Or même les plus optimistes ne voient pas d’arrêt de la baisse avant 2012.

L’Amérique est-elle entrée en méga récession ?

Malgré les milliers de milliards de Dollars injectés depuis 2008, en particulier dans les économies occidentales, aucun pays du Nord n’a encore vraiment récupéré son assiette économique et financière, au contraire. Rappelons que les quatre principales banques centrales mondiales, Fed, BCE, Banque du Japon et Banque d’Angleterre, ont injecté directement 5000 mds $ dans l’économie mondiale entre 2008 et 2010, cela sans compter les renflouements nippons destinés à pallier les effets des catastrophes en chaîne du 11 mars 2011). Des sommes extravagantes représentant près de 10% du PNB mondial avec le résultat que l’on sait : un endettement public gigantesque, un endettement privé qui n’a pas décru et des économies en stagflation et dont beaucoup en occident sont plus ou moins en récession ouverte.

Aussi lorsque Timothy Geithner, ministre américain du Trésor, martèle que les États-Unis ne dévalueront pas le Dollar pour regagner des points à l’exportation, l’on peut qu’être extrêmement dubitatif… car la dévaluation qui ne dit pas son nom s’opère de facto sous nos yeux : le poids de la dette est tel que la confiance à l’égard du Dollar fond à l’heure actuelle comme neige au soleil ; les États (tels la Russie, le Mexique ou la Thaïlande) se bousculent pour acheter de l’or et/ou diversifier leurs réserves de change hors Dollar.

Les Bons du Trésor américain n’ont en fait quasiment plus d’acheteurs depuis fin 2010 et c’est la Réserve fédérale elle-même (un consortium de banques privées rappelons-le) qui achète la presque totalité des obligations émises par l’Union américaine. Jugeons de l’ironie démentielle de la chose : la valeur du Dollar ne se maintenant qu’à coups d’achats autophagiques par ses propres émetteurs ! Ce pourquoi la Chine se débarrasse discrètement de ses titres américains et s’est engagée à marche forcée dans la diversification de ses avoirs libellés en Dollars soit 2000 mds. Une politique se traduisant par un soutien appuyé de l’€uro en convergence d’intérêts avec européistes, tenants de la Monnaie unique (pilier d’une construction européenne aussi artificielle qu’ultralibérale), pour « sauver » la Grèce et l’€uroland fût-ce en faisant crever l’Europe réelle avec des politiques d’austérité insupportables économiquement parlant. Pour Pékin l’€uro est ainsi devenu une sorte de « monnaie refuge ».

Ce pourquoi Obama ne sauvera certainement pas l’anti-système financier international né le 6 janvier 1976 avec les accords de la Jamaïque consacrant l’abandon de toute référence à l’or comme fondement de la valeur monétaire et l’assomption du Dieu Dollar avec pour corollaire la dérégulation absolue comme unique Loi du Marché. In fine, le $ monnaie se maintiendra évidemment comme moyen d’échange dans le commerce des hydrocarbures, reste que la fragilité croissante des pétromonarchies 2 au sein d’un monde arabe en pleine ébullition, ainsi que l’incertitude croissante relative aux capacités de production réelles de l’Arabie saoudite, premier pourvoyeur mondial de pétrole bon marché, sont assurément appelées sous peu à modifier en profondeur les rapports de forces économiques et financières internationaux. Au profit notamment de l’Afrique et des puissances émergentes à la croissance soutenue par leur dynamisme démographique.

Les États-Unis au bord de la guerre civile ?

La crise budgétaire dans laquelle les États-Unis sont en train de plonger est, volens nolens, synonyme d’effondrement de la demande intérieure, autrement dit du désamorçage de la pompe économique et, par contrecoup, l’arrêt des importations, qui aura d’incalculables conséquences sur l’économie et la finance mondiale dont des pans entiers risquent bien de s’écrouler : quand l’Amérique ralentit ses importations, la Chine débauche massivement.

Gardons à l’esprit que « les États-Unis ne sont plus crédibles quant à leur capacité de réduire leurs déficits » comme le disent si bien mezzo voce les experts du FMI (opinion d’ailleurs couramment partagée par les créanciers des É-U) consternés qu’ils sont par l’impasse dans laquelle s’enferrent le Parlement américain. Un Congrès incapable de parvenir à un compromis relatif aux quelque 1800 mds de $ séparant les plans respectifs des partis Démocrate et Républicain pour la réduction des déficits publics, a de quoi inquiéter les créanciers les plus pachydermiques.

Que sera-ce quand il s’agira - en raison de l’explosion littérale des déficits - d’imposer des coupes budgétaires de plusieurs centaines de milliards par an ? Alors demain la « guerre civile » ? C’est en tout cas l’opinion de Jerry Brown, tout nouveau gouverneur de Californie, un état poids lourd représentant jusqu’en 2009 la huitième puissance économique mondiale avec un Pib de 1 847 mds de $, soit 13% du Pib de celui des É-U. Mais en juin 2009, 2,1 millions de Californiens se retrouvent sans emploi, le chômage touchant désormais à 11,2 % - un taux assez supérieur à la moyenne nationale - de la population active de l’opulente Côte ouest, celle de la Silicon Valley, des orangeraies et des industries d’armement… Or en juin 2011 la Californie est toujours « virtuellement » en faillite et pour Mister Brown l’actuelle situation économique et sociale des États-Unis ressemble à s’y méprendre à celle qui prévalait à la veille de la Guerre de Sécession 3 ! M. Brown n’étant pas le premier venu, il importait de mentionner un avis aussi incongru comparé aux habituelles déclarations d’optimisme forcé de nos chers politiques !

Une accumulation inouïe d’incertitudes et un empilement de crises jamais vu.

Ce n’est pas faire du catastrophisme millénariste que d’évoquer de façon clinique les faits tels qu’ils se présentent. La question, lancinante, se pose de savoir si l’humanité ne se trouve pas à une terrible croisée des chemins ? Au moment présent des crises inouïes, sociales, économiques, financières, environnementales balayent la surface de la terre au même rythme que les ouragans ravagent le centre du continent nord-américain… Au Japon un raz-de-marée détermine un accident nucléaire majeur et les États occidentaux, surendettés sont au plus mal, et ce, malgré les mensonges médiatiques ; la chute de l’oligarque Strauss-Kahn vient à point nommé éclairer d’une lumière crue la montée en puissance d’un totalitarisme planétaire sous couvert de gouvernance mondiale… les G8 et le G20 à venir, toutes deux sous présidence française, mettent de plus en plus en évidence la collusion existant entre des gouvernements dits démocratiques et les forces réelles… à savoir les représentants de l’hyperclasse sorciers de l’économie virtuelle dont les errements et la cupidité font peser une menace bien réelle sur la vie des nations et des peuples.
De ce point de vue L’an de disgrâce 2011 risque de fort mal s’achever. La succession ininterrompue de chocs géopolitiques telle la révolte des masses du monde arabe, la sordide affaire de mœurs qui frappe le Fonds Monétaire International, le regain d’activité tellurique agitant l’écorce terrestre de l’archipel nippon à l’Islande, la montée en Europe d’une sourde contestation d’excessives politiques de rigueur, en Grèce et en Espagne pour les plus visibles, apparaissent comme autant de signes précurseurs annonçant des orages imminents… En un mot le monde doit faire face à une crise monumentale, à la fois sociale, sociétale, économique, financière et environnementale, mais les classes dirigeantes, médiacrates, intellocrates, oligarques, dans leur écrasante majorité semblent en ignorer les causes ou pire, refuser de les voir et d’en tenir compte. À bon entendeur salut !
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Notes

(1) Les prêts personnels étant gagés sur la valeur hypothécaire des biens immobiliers, si leur valeur marchande tombe par contrecoup les taux des créances augmentent jusqu’à dépasser les revenus, contraignant ainsi les propriétaires à vendre, mais sans pour autant se délivrer d’une dette écrasante.

(2) Les Emirats Arabes Unis ont fait appel à la société de mercenariat Xe Services LLC (ex Blackwater Worldwide) pour recruter des forces susceptibles de les protéger contre toute ingérence extérieure ou soulèvement intérieur. Fait symptomatique de confiance disparue à l’égard des É-U et de leur capacité à les protéger - N-Y Times 14.05.2011.

(3) CBS Los Angeles 10 avril 2011 « Jerry Brown : California, country facing “regime crisis“ similar to the Civil War » - « We are at a point of civil discord, and I would not minimize the risk to our country and to our state..l. We are facing what I would call a “regime crisis“. The legitimacy of our very democratic institutions are in question ».
Léon Camus
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