mercredi 16 mars 2011

Un méga-tsunami dans l’Atlantique ? C’est possible.


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Comme vient de le confirmer tragiquement la catastrophe du 11 mars au Japon, l’immense majorité des tsunamis enregistrés dans le monde se produisent dans le Pacifique. L’océan Indien et la Méditerranée ont aussi eu leur lot, que ce soit avec le séisme de Sumatra en 2004 ou avec celui de 365 en Crète, qui ravagea Alexandrie. Pour ce qui concerne l’Atlantique, si l’on met de côté  le tremblement de terre de Lisbonne de la Toussaint 1755 qui fut suivi d’un tsunami, peu d’événements majeurs sont à noter. Et pourtant, si l’on en croit plusieurs études, c’est peut-être là qu’un méga-tsunami se prépare. Plus précisément sur l’île de Palma (voir photo satellite ci-dessous), dans l’archipel des Canaries.
La_PalmaComme l’expliquaient en 2001, dans un article publié par la revue scientifiqueGeophysical Research Letters, l’Américain Steven Ward et le Britannique Simon Day, le flanc ouest du volcan Cumbre Vieja, situé sur cette île, est instable et pourrait, à la suite d’une future éruption, s’écrouler dans l’océan. Dans le pire des scénarios que ces deux chercheurs ont retenu, c’est un énorme morceau long de 25 km, large de 15 et épais de 1 400 mètres qui  se détacherait, soit un total de 500 kilomètres cubes de terres et de roches. Pour donner un ordre de grandeur, c’est à peu près l’équivalent du volume de 200 000 pyramides de Khéops. Beaucoup, donc.
Selon Ward et Day, si cette chose tombe dans l’océan, le déplacement de la masse d’eau va créer un méga-tsunami. Leur modélisation montre qu’un dôme d’eau de 900 mètres de haut se forme (soit un peu moins de trois fois la hauteur de la tour Eiffel), qui va donner naissance à un train d’ondes colossal. Les Canaries seraient évidemment les premières touchées. Hormis Palma, qui pourrait faire face à une vague de plusieurs hectomètres de haut, les îles d’El  Hierro et de La Gomera verraient arriver des déferlantes pouvant dépasser les cent mètres. Ténérife serait également touchée par une vague de plus de 60 m. Le Sahara occidental constituerait la victime suivante, avec une montagne d’eau frôlant les cinq décamètres. L’île de Palma ayant fait bouclier, l’onde ne serait pas trop méchante avec les pays européens, les plus exposés étant l’Espagne et l’Angleterre, avec des vagues de 5 à 7 m. Vers l’ouest, en revanche, rien ne viendrait arrêter le tsunami et la déperdition due à la distance ne serait pas si grande qu’on pourrait l’imaginer. Ainsi, la simulation utilisée par les auteurs de l’étude montre que le sud de la Floride, Miami compris, serait noyé sous des vagues de 20 à 25 m !
Cette modélisation et ses résultats ont donné lieu à de nombreuses critiques qui les trouvaient exagérés. Pourtant, l’idée d’une vague de plusieurs centaines mètres de haut n’est pas folle. Le 8 juillet 1958, dans la baie de Lituya, en Alaska, un mur d’eau de plus d’un demi-kilomètre d’altitude, créé par un glissement de terrain consécutif à un tremblement de terre, a dévasté un fjord, comme le raconte la vidéo ci-dessous :
La conformation très particulière de cette baie ne ressemble toutefois pas à celle de l’océan ouvert. La principale question qui s’est posée après la publication de l’étude de Steven Ward et Simon Day était de savoir si la vague initiale pouvait traverser l’Atlantique en conservant une telle ampleur. En 2008, une modélisation différente et plus poussée, intégrant davantage de paramètres, a été publiée dans le Journal of Geophysical Research. Réalisée par une équipe norvégienne, cette étude estime pour commencer que le volume des 500 km3 retenu comme limite supérieure dans l’éventuel glissement de terrain de La Palma n’est pas imaginable et qu’il vaut mieux prendre 375 km3 comme barre haute. De plus, ses auteurs montrent que la propagation du tsunami ne se ferait pas aussi bien que Ward et Day l’avaient assuré.
Malheureusement, pour les îles Canaries, cela ne changerait pas grand chose, avec des vagues gigantesques synonymes d’apocalypse. Pour les autres régions, les estimations sont revues à la baisse, mais pas forcément de manière drastique. Voici les chiffres : Sahara occidental, 37 m ; Sénégal, 13,9 m ; Portugal, 7,8 m ; Cap Vert 33 m ; Madère, 40 m ; Açores 29 m ; Guyane, 14,7 m ; nord du Brésil, 15,3 m ; Floride 9,5 m ; nord des Etats-Unis 4,6 m. Autant dire que les îles de l’Atlantique seraient dévastées, ainsi que les côtes nord-est du continent sud-américain. Pour ce qui est de la Floride, même si la vague attendue a diminué de plus de la moitié, elle reste effrayante quand on sait que cette péninsule n’est pas très élevée au-dessus de la mer.
Il faut néanmoins garder à l’esprit qu’il s’agit là des chiffres correspondant au scénario le plus pessimiste. Il se peut que le volume de terrains décrochés soit nettement inférieur car au cours du dernier million d’années, plusieurs de ces événements se sont produits avec des volumes compris en moyenne entre 50 et 200 km3. Il se peut aussi que ce glissement de terrain ait lieu seulement dans plusieurs milliers d’années, voire davantage. Comme le disait, non sans humour, le Danois Niels Bohr, un des pères de la mécanique quantique et Prix Nobel de physique en 1922“la prédiction est un exercice très compliqué, spécialement quand elle concerne le futur.”
Pierre Barthélémy
(Crédit de la photo d’ouverture, prise dans le Pacifique ce 13 mars :
REUTERS/U.S. Navy photo by Mass Communication Specialist 3rd Class Dylan McCord)

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