Djeddah, Arabie Saoudite) À Djeddah, la «tombe d'Ève», du nom attribué par la Bible à la première femme, attire une foule de pèlerins, même s'il n'existe aucune preuve scientifique permettant d'authentifier comme telle cette sépulture présumée située dans la deuxième ville d'Arabie Saoudite.
Comme des centaines de milliers de musulmans qui visitent l'Arabie Saoudite à l'occasion du pèlerinage de La Mecque, les Iraniens connaissent la légende: Ève serait enterrée là, en témoignent les inscriptions qui encadrent l'entrée du cimetière. «On nous a dit que la tombe d'Ève s'y trouvait, explique Minou Ghadimkhani, touriste iranien de 45 ans. C'est la raison pour laquelle nous voulons y entrer.»
Car même sans preuves archéologiques de l'authenticité de la tombe, la légende persiste. Pour certains, le nom même de Djeddah, mot arabe signifiant grand-mère, fait référence à Ève. Et si personne ne connaît réellement l'origine de l'histoire, beaucoup dans cette ville portuaire de la mer Rouge écartent toute idée de mythe.
«C'est une légende, mais elle figure dans les manuels scolaires», souligne Sami Nawar, directeur général local pour la culture et le tourisme. Nawar, spécialiste de l'histoire de Djeddah, aime glisser des bribes de la légende dans sa présentation de la cité à des dignitaires ou des journalistes étrangers. «Djeddah est la ville la plus féminine du monde, du fait de la présence de la tombe d'Ève», clame-t-il.
Le Coran parle de l'expulsion d'Adam et Ève du paradis terrestre, après qu'ils eurent mangé le fruit de l'arbre défendu. Mais il ne dit pas à quel endroit de la Terre le couple est apparu.
La tradition arabe place Adam dans la ville sainte de La Mecque, à 70 km à l'est de Djeddah, là où Dieu lui a ordonné de construire la Kaaba, cette structure sacrée vers laquelle les musulmans du monde se tournent cinq fois par jour lorsqu'ils prient.
Puis Dieu a dit à Adam de monter sur une colline de La Mecque dans le but de se repentir de ses péchés. C'est après qu'il l'a fait que Dieu lui a envoyé Ève, et que la colline a pris le nom de mont Arafat, du mot arabe signifiant savoir, ajoute-t-il. Cette histoire situe Ève, Haoua en arabe, dans les environs de Djeddah, le point d'accès à La Mecque pour les pèlerins. Elle pourrait expliquer l'origine de la légende qui entoure l'enterrement de la «mère du genre humain».
Des historiens arabes et occidentaux, tout comme des voyageurs, décrivent une tombe hors des murs de la vieille ville de Djeddah comme étant la sépulture d'Ève.
L'historien Hatoune al-Fassi avance que son confrère du IXe siècle, Al-Fakihi, originaire de La Mecque, racontait que deux amis du prophète Mahomet mort en 623 avaient déjà parlé de la tombe d'Ève.
Autre indice troublant, Ibn Joubayr, voyageur et poète du XIIe siècle, né à Valence, écrivait à propos de Djeddah dans son carnet de voyage: «À l'intérieur existe un lieu qui possède une coupole, qui aurait été la maison d'Ève, la mère de l'humanité; que Dieu la bénisse sur la route de La Mecque».
La tombe présumée n'existe plus et on ignore comment elle aurait disparu. Ceux qui ont pu entrer dans le cimetière affirment qu'à sa place se trouve à présent une rangée de tombes anonymes, et que rien n'indique que la sépulture biblique ait eu cet emplacement-là. Il est vrai que le wahhabisme, branche radicale de l'islam, interdit notamment l'inscription des noms sur les tombes.
Pour William Dever, professeur émérite à l'Université d'Arizona et éminent archéologue américain, il n'existe simplement aucun élément archéologique qui permette de confirmer l'existence réelle de cette tombe.
Donna Abou-nasr
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